A l'aide de mon chien

Comportementaliste spécialisée dans la relation Homme/Chien

Le syndrome de PICA


INTRODUCTION

Le comportement alimentaire est un comportement primaire (essentiel pour l'animal au même titre que la prise de boisson ou le comportement sexuel).

Chez le chien, on différencie artificiellement :
le comportement alimentaire dans la nature qui nécessite un comportement de prédation - le prédateur se nourrit de proies ;
le comportement alimentaire à la maison (ménagère au sens large) qui peut se composer :
soit d'alimentation ménagère (repas préparés par les maîtres),
soit d'alimentation industrielle (aliments secs : croquettes - ou aliments humides : boîtes, sachets-fraîcheur) ;
l'alimentation maternelle (allaitement), si particulière par ses multiples applications dans le développement comportemental.

Chez les animaux comme chez les humains, on peut néanmoins noter des troubles du comportement alimentaire tels que boulimie et syndrome de PICA.

Déjà au XVI ème siècle on faisait référence au syndrome de PICA en ces termes :

« Aucunes ont appetit depravé, avec nausée, dit des anciens pica, faisant qu'elles desdaignent les bonnes viandes, et quelquefois appetent choses contre nature » (annexe 1)

D'après le Dictionnaire portatif de médecine, d'anatomie, de chirurgie, etc. (annexe 2) et le Dictionnaire de Médecine et des Sciences Accessoires à la Médecine (annexe 3) , le terme PICA viendrait du mot latin voulant dire pie, « parce que ces oiseaux avalent souvent des substances terreuses ».

Le Nouveau Dictionnaire de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, Physique, Chimie, etc. (annexe 4) parle également de la pie : « les plumes blanches et noires de cet oiseau forment un contraste analogue à celui qu'offre l'appétit dépravé, comparé à l'appétit naturel. »

Ce syndrome est connu depuis très longtemps puisque l'un des premiers cas de compulsion alimentaire a été rapporté par un médecin de JUSTINIEN 1er, au sujet d'une grossesse, au VIème siècle après Jésus-Christ.

AVICENNE dès le Xème siècle traitait le PICA par du fer trempé dans du vin. (annexe 5)

Le syndrome de PICA est un vaste sujet puisqu'il touche aussi bien les humains que les animaux. Malgré cela, probablement à cause de la rareté des cas, il n'y a pas d'étude spécifique sur le PICA concernant les chiens.

Ma chienne Guizmo est manifestement atteinte de ce syndrome. A quatre ans passés elle continue à ingérer de façon compulsive des matières diverses : bouteilles en plastique, vêtements, papiers, enfin tout ce qui peut lui tomber sous les crocs et qui n'est pas normalement comestible.

https://static.onlc.eu/alaide2monchienNDD//127236781258.jpg

J'ai également eu un doute pour mon pur-sang, Zawan, qui ingérait les parois en bois de son box et léchait les murs.

https://static.onlc.eu/alaide2monchienNDD//127236793015.jpg

Ce sujet me touche donc personnellement, raison pour laquelle j'ai choisi de le traiter dans ce mémoire.

PICA CHEZ L'HOMME

Définition

Le PICA est un trouble du comportement alimentaire, caractérisé par l'ingestion durable (plus d'un mois) de substances non nutritives (terre, craie, sable, papier, excréments, etc.) de façon compulsive, qui toucherait essentiellement les femmes. Son association à une carence martiale (anémie sous la dépendance d'une carence des réserves en fer de l'organisme) est un des aspects le plus étudié dans la littérature médicale des dernières décennies.

Pour le docteur COLINE, membre de SFTG Paris-Nord, le PICA est un trouble du comportement défini par une envie irrépressible d'ingérer des substances, comestibles ou non. Elle apporte des précisions sur différents types de PICA :

Terre, argile : géophagie
Glaçon, givre : pagophagie
Riz (souvent cru) : rysaphagie
Amidon, blé : amylophagie
Cailloux : lithophagie
Autres : gomme, grains de café, chocolat, amandes, cornichons, graines de tournesol...

auxquels on peut rajouter la coprophagie (ingestion d'excréments).

 

Pica chez l'humain

Chez l'enfant, le PICA se caractérise par l’absorption d’objets non comestibles qui varient en fonction de l’âge. On peut citer : plâtre, peintures murales, sable, caillou, cheveux,  excréments.

Il apparaît généralement entre un et deux ans et on pose le diagnostic si les symptômes perdurent plus d’un mois et ne peuvent être associés à une pratique culturelle observable dans l’environnement de l’enfant.

Il semble que ce trouble est fréquemment associé à un retard mental et/ou un trouble envahissant du développement comme l'autisme.

Le PICA est une affection rare et mal connue, non chronique, qui peut disparaître sans intervention médicale, mais peut durer des années et qui laisse fortement présager une pathologie de type boulimie à l’adolescence.

Ce syndrome conduit logiquement à des problèmes de santé sérieux comme des infections, des problèmes dentaires (à cause de l'acidité des vomissements et de la mastication de matières dures ou froides), des problèmes de constipation, ou du saturnisme en cas d'ingestion de certaines peintures contenant du plomb.

Le syndrome de Pica peut également être lié à certains troubles alimentaires chez les femmes gravides (enceintes). Il concerne essentiellement des femmes d'origine africaine, car sur ce continent, il est d'usage de manger des petits blocs d'argile pendant sa grossesse.

Deux théories s'opposent pour l'expliquer : certains pensent que cette manifestation fait suite à une carence en fer (ou anémie ferriprive), d'autres soulèvent que c'est justement le fait d'ingérer de l'argile ou de la craie qui provoque l'anémie.

Dans le Summary of Proceedings (annexe 6), les docteurs CROSBY et DIAMONDS relatent que le syndrome de PICA est un symptôme clair d'anémie et qu'après un apport en fer ce syndrome disparaît.

Cependant Martin A. SAMUELS (annexe 7) pense qu'il est évident que le PICA ne représente pas le remplacement du fer pour un individu puisqu'il constate que la manifestation du PICA la plus fréquente est d'ingérer de la glace ce qui n'apporte rien au niveau du fer, voire que certaines substances argileuses ingérées chélatent le fer dans l'organisme.

D'après le docteur COLINE, aux U.S.A le PICA touche plus de la moitié des patients ayant une carence martiale (anémie sous la dépendance d'une carence des réserves de fer de l'organisme). Cette fréquence est nettement moins élevée en Europe. En Afrique plus de 50% des cas concerne la géophagie (terre, argile), au Maghreb la prévalence (mesure de l'état de santé d'une population à un instant donné) égale plus ou moins 35% pour la rysaphagie (riz) et la pagophagie (glaçon, givre), quant à l'Europe elle est de 5,9% pour la rysaphagie et la pagophagie.

Il semblerait qu'il n’existe pas de traitements médicamenteux dont la fiabilité soit établie, à l'exception notable d'une correction de la carence en fer qui peut faire disparaître les symptômes du PICA. Pour les patients atteints de ce syndrome et auxquels la correction de la carence n'a apporté aucun soulagement, seule la psychothérapie associée à une modification de l'environnement (remplacement de peintures au plomb par des peintures neutres, en particulier), ainsi que le dépistage et la prise en charge d'éventuelles complications sont actuellement utilisés.

Une étude a été conduite par le Centre Hospitalier Interdépartemental de Clermont-de-l'Oise (annexe 8) afin d'évaluer la prévalence du PICA chez des patients hospitalisés. Les objectifs secondaires consistaient à décrire les caractéristiques cliniques et les complications observées, évoquer les prises en charge proposées ainsi que l'évolution.

Cette étude portait sur neuf cent quarante trois patients adultes et enfants admis au département psychiatrie ou pédopsychiatrie pendant une période donnée.

Afin de mieux évaluer la sévérité des troubles comportementaux et la préoccupation autour du malade, il fut élaboré une échelle de valeur  de 0 à 5 :

 

  • la sévérité des troubles était calculée en fonction des complications dues par l'ingestion de matières non comestibles et du facteur de risques encourus en cas de persistance de ces troubles ainsi que la gestion du patient.
  • la préoccupation reflétait l'investissement de l'équipe médicale vis à vis du patient afin d'éviter les complications représentant un danger pour la vie de ce dernier.


Seuls les patients au niveau 3 furent admis dans l'étude soit 23 cas. Il est intéressant de noter que sur les 108 enfants pressentis aucun n'a été retenu, ce qui est surprenant alors que le PICA est relativement commun dans l'enfance.

La prévalence au PICA retrouvée fut de 2,44 %. Ceci peut paraître sous-estimé par rapport aux données de la littérature internationale (qui donne une fourchette de 9 à 25%) mais s'explique par le caractère restrictif des critères diagnostiques et par les difficultés à considérer le PICA en tant qu'entité nosographique (Description et classification systématique et méthodique des troubles ou des maladies. Pour cette étude on prend en compte, pour chaque maladie, différents critères tels l'étiologie, la physiopathologie, le diagnostic, l'évolution, le pronostic, le traitement, les complications. (www.medicopedia.net)) .

Pour cette étude, deux facteurs pathogènes ont été constamment recherchés dans les rapports médicaux : anémie et psychopathologie, alors que les facteurs culturels ont été à priori éliminés car les patients étaient en général en rupture avec leur environnement familial depuis la petite enfance.

Seuls deux patients furent traités pour anémie ferriprive, sans incidence sur leur PICA, ce qui infirme, d'après cette étude, la théorie selon laquelle le PICA serait systématiquement provoqué par une carence en fer.

Sur le plan pathogénique, les carences affectives précoces furent trouvées chez la plupart des sujets, et tous les patients présentaient des troubles psychiatriques associés incluant retard mental sévère (48%), troubles du développement (26%) ainsi que des cas d'autisme et de schizophrénie. Ces constatations rejoignent les autres études qui associent le syndrome de PICA avec d'autres désordres psychiatriques.

La boulimie fut un symptôme largement représenté dans cette population d'étude (87 %), marque d'une oralité frénétique tant pour des matières comestibles que non comestibles. L'ingestion de ces dernières pouvant de ce fait être considérée comme une incapacité à discerner entre les différentes substances mises à la bouche.

L'agressivité auto-dirigée et vis à vis d'autrui fut également constatée dans 77% des cas. Ces comportements apparaissaient la plupart du temps lors de période de recherche de substances, particulièrement si ces substances étaient très attractives. La hausse de l'anxiété (stress) qui surgissait souvent dans l'éventualité de l'entrave de l'acte, aussi bien que l'effet calmant de l'ingestion, suggère une activité compulsive qui pourrait être comparée à un comportement de dépendance.

Le syndrome de PICA pourrait donc être assimilé aux troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et bénéficier des thérapies utilisées dans ces cas là, soit d'ordre comportemental soit à l'aide de chimiothérapie.

Les deux formes principales de PICA constatées furent la phytophagie (eau) et la géophagie (terre, argile), probablement à cause de la facilité d'accès à ces substances, cependant trente et une substances différentes furent identifiées lors de cette étude.

Les facteurs de sévérité incluaient la fréquence des complications médicales et chirurgicales (les résultats de l'étude montrent une incidence élevée de complications, essentiellement digestives, justifiant dans 30 % des cas une intervention chirurgicale), ainsi que le type de matière ingérée. De ce fait de nombreux auteurs préconisent une recherche systématique du syndrome de PICA chez les patients présentant des désordres mentaux et sujets aux troubles gastro-intestinaux.

Les complications respiratoires venaient en seconde position et les complications infectieuses constatées principalement chez les sujets géophages (ingérant de la terre ou de l'argile) et coprophages (ingérant des excréments) qui contractent des parasites intestinaux.

Les complications fréquentes dues au PICA peuvent être mortelles malgré la mise en place d'un traitement adapté.

D'après les auteurs de l'étude, en raison de son caractère multifactoriel, la prise en charge s'avère complexe et les résultats souvent décevants.

Les neuroleptiques, largement prescrits à visée symptomatique, donnent au mieux des améliorations transitoires et sont surtout intéressants chez les patients délirants.

Des psychothérapies comportant approches institutionnelles et thérapies d'inspiration comportementale peuvent être proposées. Le syndrome de PICA pourrait être considéré comme un comportement acquis qui pourrait bénéficier de thérapies cognitives et comportementales.

La gestion institutionnelle, comprenant l'accompagnement du patient tant physiquement (soins) que moralement, et la restauration de la confiance en soi est également intéressante pour ces patients.

 

PICA CHEZ L'ANIMAL

 

Définition

Chez l'animal, comme chez l'humain, ce syndrome est caractérisé par l'ingestion de matières non comestibles, de manière compulsive. La différence notable est que chez l'humain la coprophagie est incluse dans le PICA, alors que chez l'animal et notamment chez le chien cela peut être un comportement distinct. Pourtant la coprophagie perdurant chez un chien adulte peut tout à fait être considérée comme une manifestation du syndrome de PICA, d'autant plus si elle est associée à d'autres ingestions de matières non comestibles.


 Pica chez l'animal

On retrouve le syndrome de PICA chez beaucoup d'animaux domestiques. Il est souvent associé à des pathologies :

D'après Michael Schaer (annexe 9) un chien atteint de la rage peut développer un Pica.

On retrouve le Pica comme symptôme d'infestations (ascaridoses) de l'intestin grêle  (annexe 10).

Chez les bovins il semblerait que le Pica soit induit par une carence (annexe 11) lorsque leur régime est trop pauvre en sodium.

Concernant les volailles, Joseph Pousset (annexe 12) penche pour un problème comportemental provoqué par la claustration en élevage industriel: « des troubles du comportement apparaissent également, notamment chez les volailles (Pica, qui me paraît être une forme de cannibalisme, phénomène de panique collective...) »

Le Pica est fréquent chez les oiseaux (perroquets, oiseaux en cage). On remarque dans les animaleries comme chez les particuliers une forte propension de l'oiseau à ingérer ses propres plumes ou celles de compagnons de cage : les oiseaux ont le cou, voire une grande partie du corps, nu.

Chez les chevaux, le Pica est en général causé par l'ennui et le stress nés de la claustration en boxes des animaux. Les équidés au pré ne présentent pas ce genre de syndrome, sauf si le pré n'a plus d'herbe ou est trop petit, ou que l'animal est tout seul. Le cheval, comme tous les équidés, est un animal grégaire qui a besoin de la compagnie de ses semblables et d'espace.

S'il n'y a pas de congénère, la présence d'une chèvre ou d'un mouton pour lui tenir compagnie peut suffire à arrêter les manifestations de stress telles que tic à l'ours (le cheval « danse » d'un pied sur l'autre), tic à l'air (prenant appui avec ses dents sur une surface horizontale quelconque, le cheval avale de l'air bruyamment), Pica (ingestion de bois, léchage compulsif des murs, ingestion de crottins).

Il semblerait que le chat soit plus enclin au syndrome de Pica que le chien, mais ce trouble reste quand même rare.

D'après le Docteur P. PAGEAT (annexe 13) Les chats de races orientales sont fréquemment sujets au léchage de laine, comportement observé tout d'abord chez les Siamois puis chez les Birmans. Ce trouble obsessionnel compulsif (TOC) est relevé néanmoins maintenant chez de nombreuses autre races. Pour le Docteur P. PAGEAT, ce comportement aurait une origine génétique, on le retrouverait chez les ascendants comme chez les descendants du chat suceur (mais nous, comportementalistes, ne pourrions nous pas également penser à un apprentissage par imitation ?). C'est un comportement qui apparaît vers l'âge de six mois, mais alors que la plupart des chats arrêtent vers deux ans, tous ne le font pas.

Sucer de la laine n'est pas forcément dangereux pour le chat mais lorsqu'il s'attaque à d'autres textiles ou fibres synthétiques cela peut le devenir. A titre d'exemple, le Docteur P. PAGEAT parle, dans son livre, du cas d'un chat qui est mort, l'ingestion de trois mètres de bande magnétique de cassette audio lui ayant cisaillé l'intestin.

L’origine de l’apparition du syndrome de PICA est liée à une angoisse ou un stress du (ou des) chat(s). Il n’est pas rare dans une communauté de voir plusieurs chats très proches présenter le même PICA, quelquefois par vicariance (faculté d'observer ce qui se passe entre deux individus et de s'en servir pour soi. Entre apprentissage par imitation et apprentissage vicariant la limite est mince. (Michel Quertainmont).

Pour les chiens de nombreux comportements peuvent prêter à confusion : PICA or not PICA ?

Lorsque les chiens présentent des troubles du développement, et/ou souffrent du syndrome de PICA, ils prennent tout en gueule et peuvent également consommer des plantes ornementales dont certaines se révèlent extrêmement toxiques.

Par contre l'ingestion d'herbe n'est pas forcément due au syndrome de PICA, mais peut avoir comme origine une (ou des) carence(s) alimentaire(s), la recherche d'un effet purgatif qui éliminerait les vers parasites hors du tractus digestif, ou bien encore un effet émétique  (provoquant le vomissement) qui soulagerait une surcharge gastrique.

La coprophagie est, par définition, l'ingestion de matières fécales. Ce phénomène est bien plus perturbant pour les humains que pour le chien.

Une lice va ingérer les matières fécales de ses petits dans les premières semaines après la mise bas, certaines chiennes poursuivent cette ingestion par la suite et induisent un comportement identique chez leurs chiots par imitation.

Ce comportement est relativement naturel chez le chiot qui ingère n'importe quoi, d'autant plus que l'odeur est un puissant facteur d'ingestion : C'est le cas, par exemple, des excréments de chat ou de chiens, qui, semble-t-il, contiennent encore des exhausteurs de goût non digérés ou ceux d'herbivores (particulièrement les crottins de chevaux).

Un chiot peut également faire l'apprentissage de la coprophagie au contact d'un autre chien coprophage.

Il semblerait aussi que le fait de voir son maître enlever systématiquement les éliminations puisse faire également apparaître ce comportement. C'est également vrai en cas de punition lors de défécation dans des lieux considérés comme inadéquat par les humains : le chien fait alors disparaître l'objet du litige.

Chez les chiots, les troubles du développement comportemental induisent souvent un comportement de coprophagie et chez les vieux individus, l'involution fait régresser le chien à l'exploration buccale infantile, voire au PICA.

L'ennui ou la claustration serait  également une cause fréquente de la coprophagie.

On peut également citer les carences alimentaires (maldigestion, malabsorption, parasitisme intestinal intense, alimentation non adaptée…). Il est à noter qu'un déficit en amylases (enzymes qui digèrent l'amidon) est présent chez certaines races (berger allemand, beauceron et chiens nordiques). Ces races auraient donc une forte propension à la coprophagie. Un traitement aux enzymes pancréatiques peut être préconisé dans ces cas là.

Chez le chiot, l'ingestion d'objets non alimentaires est considérée comme un comportement exploratoire infantile. De même, l'ingestion de ses propres poils est du domaine des comportements de prise de contact avec le corps.

Il est évident cependant que si ces comportements perdurent dans le temps et sont toujours d'actualité pour un chien adulte nous ne pouvons plus parler de comportement exploratoire ou de prise de contact avec le corps mais bien d'un syndrome de PICA.

Le PICA est parfois lié à une gastrite chronique : les biopsies de muqueuse gastrique réalisées sur des chiens ou des chats souffrant de ce syndrome ont montré que ces animaux étaient plus fréquemment atteints de gastrite chronique que des individus indemnes. Ainsi le PICA serait plus dû à une irritation stomacale qu'à autre chose, incitant l'animal à ingérer ou à lécher toute sorte de matières a priori non comestibles pour se « gratter l'estomac ». La coprophagie pourrait alors être incluse dans le syndrome PICA et certains chiens coprophages potentiellement atteints de gastrite chronique.

Ceci est important lorsque l'on sait que la gastrite chronique est une affection prédisposant au syndrome dilatation-torsion de l'estomac chez les chiens de grande taille (annexe 14).

Les autres risques liés au PICA sont identiques chez les animaux et chez les humains : occlusions, infections, problèmes dentaires (dus aux vomissements particulièrement) et, en fonction de ce qui est ingéré, risque de décès par lésion des intestins et/ou de l'estomac.

De même que chez les humains, il n'y a pas de traitement médicamenteux avéré, et aucune étude ne semble avoir été menée, dans le domaine comportemental, concernant le PICA dans le monde animal en général, et chez le chien en particulier.

 

MES PROPRES CONSTATATIONS

 

ZAWAN

Zawan est pur-sang anglais né en 2000, réformé des courses en avril 2007, que nous avons acheté en août 2007.

Très traumatisé par son passage dans les écuries de courses (il a eu plusieurs propriétaires pendant six ans et, pour l'anecdote, son « gentil » surnom était « pet au casque »), ce cheval « tire au renard »  (le cheval ne supporte pas d'être attaché et tire sur la longe jusqu'à se libérer)   et refuse de monter dans un camion. D'ailleurs, arriver à le faire monter dans un van de transport est sportif (il faut compter de quarante cinq minutes à une heure et demie). De plus la vue d'un homme râblé, petit, avec une grosse voix continue encore à le terroriser.

Dans un premier temps il a été dans une écurie où les boxes étaient en parpaings :
Il y a développé un tic à l'ours (le cheval « danse » sur place, d'un antérieur à l'autre), malgré le fait que ma fille aille s'occuper de lui tous les jours. Un gros travail de remise en confiance en l'homme (en la femme en l'occurrence) a été fait avec lui. Cependant, nous l'avons changé d'écurie parce qu'il n'y avait pas de pré où nous pouvions le laisser un peu en liberté.

Dans la deuxième écurie, il y avait un pré, mais Zawan continuait à tiquer à l'ours. Il allait même jusqu'à galoper dans son box ! Nous l'avons donc une fois de plus changé d'endroit.

Dans la troisième écurie le box avait une partie supérieure en bois. Zawan s'est mis à grignoter les planches (au point d'y faire un gros trou) et à lécher les murs, manifestations typiques du Pica chez le cheval, tout en continuant de tiquer à l'ours. Pourtant il était sorti tous les jours au pré pendant une heure, sans compter le travail quotidien effectué avec ma fille.

Force a été de constater que la vie en box ne lui convenait vraiment pas, ou plutôt encore moins qu'à d'autres. Il est donc parti depuis le mois d'avril 2009 en Normandie où il vit au pré avec un trotteur.

Cheval nerveux et angoissé, Zawan a trouvé dans le développement de comportements tels que tic à l'ours et Pica de quoi pallier à son stress tant qu'il était enfermé.

Depuis qu'il est en semi-liberté au pré il ne présente plus aucun de ces symptômes. Son comportement a totalement changé. Très proche de l'Homme, il vient quand on l'appelle (alors qu'il aurait la place de « se sauver ») et se laisse manipuler sans manifestations trop exagérées. Il reste malgré tout un cheval sensible, mais ceci est un autre débat.

Il semble donc que le Pica développé chez lui, ainsi que ses autres comportements de stress, aient été totalement éradiqués par une modification totale de sa vie quotidienne, plus en adéquation avec ses besoins.

 

Angel dite GUIZMO

Angel est une femelle Bouvier Bernois née le 29 octobre 2005. Achetée sur internet, nous l'avons accueillie début janvier 2006, sans l'avoir vue autrement qu'en photo. Ayant constaté qu'elle était plus démon que ange, elle a vite été  rebaptisée Guizmo.

Issue d'une portée de onze petits, d'une mère primipare (dont c'est la première portée), Guizmo est venue combler le vide laissé par le décès de Sally (Labrador noir décédée en septembre 2005 après presque 16 ans de vie commune). J'avais également dans l'idée de débuter un élevage familial de Bouvier Bernois grâce à mon mâle Sam.

Dire que les erreurs ont été accumulées serait un doux euphémisme.

Mon premier Bouvier Bernois, Sam, issu d'un élevage familial, est un chien rempli de compétences. Malheureusement ce n'est absolument pas le cas de Guizmo. Or j'ai pris Sam comme référence... et me suis vite retrouvée totalement dépassée par les comportements de la chienne.

Coprophage de façon excessive même pour un chiot (les selles de Sam disparaissaient plus vite qu'il ne pouvait les fournir), elle prenait en gueule tout et n'importe quoi, et plus particulièrement tout ce qui est textile : du torchon aux sous-vêtements en passant par les tee-shirts de mon mari (taille XXL quand même), les bouteilles de plastiques, les morceaux de verre et j'en passe.

Nous avons donc appliqué les bonnes vieilles méthodes : je te cours après en criant pour que tu lâches l'objet du délit (ce qui avait pour effet une ingestion rapide du dit objet), punition par isolement lorsqu'une « bêtise » de ce type était faite.

C'est uniquement lors de ma formation à Operrha que j'ai entendu parler du syndrome de PICA.

En effet les objet ingérés sont retrouvés intacts dans les selles de Guizmo. Torchons et autres vêtements tire-bouchonnés certes, mais pas déchirés. Elle ne détruit pas, elle avale tout rond.

J'ai pu constater qu'en cas de stress Guizmo essayait par tous les moyens de trouver du tissu, ou du papier, pour l'ingérer de façon compulsive, et ce quel que soit le stress. A défaut, elle se jette frénétiquement sur la gamelle d'eau.

Nous avons donc fait un grand travail de remise en ordre des interactions au quotidien complété par une sécurisation optimale des lieux : avec mise en hauteur des torchons, fermeture des portes, et barrières pour l'empêcher d'accéder à certaines zones de la maison (type buanderie).

Si je suis là et que je la vois prendre quelque chose, je la rappelle gentiment et lui propose un morceau de pain dur (elle en raffole). Cela ne fonctionne pas à tous coups, mais de plus en plus souvent.

Malheureusement, encore parfois, elle se dépêche d'avaler ce qu'elle a en gueule avant de venir chercher son morceau de pain.

Il est visible également que la mise en place d'un relationnel clair pour la chienne l'aide à se calmer et à gérer de mieux en mieux son stress. Les ingestions s'espacent de plus en plus, mais si par mégarde une porte de chambre, salle de bain ou buanderie reste ouverte... je retrouve Guizmo avec un ventre énorme.

Son PICA est associé à de la boulimie. Si elle arrivait à ouvrir la porte du bureau, où sont enfermées les croquettes, elle faisait un carnage dans les sacs (réussissant à ingérer plus d'un tiers d'un sac de 15 kilos). Même l'utilisation de boites fermées ne l'arrêtait pas. Elle trouvait toujours le moyen d'accéder à la nourriture.

Afin de sécuriser également cela je mets des gros pots de peinture (pleins) sur les boites de façon à ce qu'elle ne puisse plus les ouvrir.

Il semble donc que dans le cas de Guizmo le moyen utilisé pour gérer son stress est le remplissage. Le ventre « rempli » lui apporte un apaisement, en tout cas sur le moment. N'étant qu'un chien, elle est incapable de faire la relation entre ses maux de ventre, dus au « trop plein », et l'ingestion qu'elle a fait précédemment de matière comestible ou non.

Le problème est que sa vie est en jeu. A chaque fois qu'elle ingère quelque chose de non alimentaire elle risque une occlusion ou une déchirure de la paroi de l'estomac ou des intestins (suivant ce qui est ingéré). Et pour ce qui est de l'alimentaire on peut rajouter la torsion d'estomac en plus du reste.

Heureusement, à présent, elle semble s'en tenir à du textile ou du papier ou du coton hydrophile : fini les morceaux de verre retrouvés intacts dans les selles. Les risques seraient donc limités à l'occlusion et à la torsion d'estomac.

 

CONCLUSION

 

Le syndrome de PICA est relativement rare chez les canidés. Le Docteur E. CAROZZA, vétérinaire, n'a qu'un seul cas dans sa clientèle (mise à part Guizmo) et encore s'agit-il d'un très vieux chien dont le PICA est une dégénérescence sénile plus qu'un TOC.

Ceci explique probablement pourquoi il a été aussi peu étudié :

Il n'y a aucune thèse à Maisons-Alfort traitant de ce sujet. On trouve uniquement quelques références au PICA surtout concernant les oiseaux.

Le PICA est un TOC (trouble obsessionnel compulsif) qui semble être généré chez les animaux domestiques (bovins, oiseaux, chevaux) principalement par la claustration et l'ennui. Néanmoins pour les chats (surtout les races asiatiques) il pourrait y avoir un facteur génétique, chez certaines races de chiens un déficit en amylases et pour certains sujets une gastrite chronique qui pourraient expliquer en partie l'apparition du PICA.

Si le facteur stress est, apparemment, une constante dans l'apparition de ce syndrome, il n'y a pas, à ce jour, de « remède miracle » permettant de soulager l'animal atteint.

Selon ma propre expérience, seules une sécurisation optimale des lieux de vie ainsi qu'une bonne gestion du relationnel et des interactions au quotidien peuvent avoir un effet bénéfique sur le stress, et par voie de conséquence, sur la prise compulsive en gueule et l'ingestion de matières non comestibles.

Le syndrome de PICA, comme tout syndrome, reste latent à vie, avec des phases de pics et des phases de repos. La vigilance est donc de rigueur pour les « malheureux » propriétaires.

Il est également vrai que si les « accédant à la propriété » d'un animal avaient en main toutes les informations permettant de reconnaître ou d'éviter l'apparition du PICA , ce dernier de rare deviendrait tout à fait exceptionnel. La constatation d'une coprophagie excessive chez un chiot, et/ou l'ingestion de matières diverses non comestibles de façon compulsive perdurant pendant de nombreux mois sont de bons indicateurs pour reconnaître l'apparition de ce syndrome. Un animal présentant de fréquents troubles gastriques sera également à surveiller de très près.
 
Des apprentissages en douceur, surtout en ce qui concerne la propreté et l'habituation à la solitude, des bonnes habitudes de cohabitation limitant les facteurs de stress, le respect des fréquences de vermifugations, et une nourriture bien adaptée pourraient probablement éviter l'apparition du PICA, dans certains cas.

Les comportementalistes ont donc encore bien du travail en perspective, tant pour détecter le PICA que pour aider l'animal et sa famille humaine à le gérer au mieux.

 

 

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

1.    www.fr.wiktionary.org

2.    Dictionnaire portatif de médecine, d'anatomie, de chirurgie...
    par LAVOISIEN, 1793 – page 459

3.    Dictionnaire de Médecine et des Sciences Accessoires à la Médecine
    par Pierre Hubert NYSTEN (publié par J.A. BROSSON, 1814) – page 464

4.    Le Nouveau Dictionnaire de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, Physique, Chimie...
    par Pierre Auguste BÉCLARD, Alphonse TAVERNIER (publié par GABON, 1826) – page 347

5.    SFTG Paris-Nord : document de synthèse – Mars 2003
    par le Docteur R. COLINE

6.    Summary of Proceedings (par National Research Council US, Committee on Iron Nutritional Deficiencies)
    Par les Docteurs CROSBY et DIAMONDS

7.    Internal Medicine - chapitre 169 Neurohematology – éditeur Elsevier Health Sciences
    Par le Docteur Martin A. SAMUELS

8.    L'Encéphale, vol 29 N°5 – Octobre 2003
    Par les Docteurs R. HAOUI, L. GAUTIER, F. PUISET – pages 415-424

9.    Médecine clinique du chien et du chat
    par Michael SCHAER (traduit par Florence ALMOSNI-LE SUEUR, publié par MASSON)

10.    Dictionnaire pratique de thérapeutique chien, chat et NAC
    par Rocher MORAILLON, Yves LEGEAY, Didier BOUSSARIE    

11.    Nutriment requirements of dairy cattle – National Research Council (US)

12.    Agriculture naturelle
    par Joseph POUSSET  (France Agricole Editions 2009)

13.    Le chat et ses comportements
    par P. PAGEAT (Editions du Point Vétérinaire - Maisons-Alfort)

14.    www.cyber-chien.com/coprophagie-coproscopie-parasitairex.html

 

REMERCIEMENTS

 

En premier lieu, je voudrais remercier Audrey WATRIGANT (qui m'a donné l'idée de ce mémoire), mes filles, Anne-Solène et Elodie, et Julie SOUBIRAN (qui ont été mes re-lectrices). Merci à toutes pour leur soutien.

Un grand merci également au Docteur Emmanuel CAROZZA, vétérinaire à la clinique vétérinaire de Bois d'Arcy (78), qui m'a grandement aidée dans mes recherches.

Enfin merci à Danièle MIRAT et Michel QUERTAINMONT de m'avoir instruite et ensuite motivée pour la rédaction de ce mémoire.